Jérémy Crunchant, directeur bénévole de la Protection civile azuréenne: « C’est puissant de se sentir utile »

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Qui est-ce?

« Je dis souvent à mes proches que, depuis le temps que je m’engage, j’ai du sang orange et bleu qui coule dans mes veines! » A 40 ans, Jérémy Crunchant, barbe brune et regard avenant, a déjà passé plus de la moitié de son existence à porter ces couleurs sur son uniforme. Cette constance, c’est au sein de la Protection civile des Alpes-Maritimes, association citoyenne agréée pour aider, secourir et former la population, qu’il la met en œuvre. Toujours bénévolement. Aujourd’hui directeur général de l’antenne azuréenne, l’affable gaillard semble avoir presque autant de vies qu’un chat.

A la ville, ce cinéphile chevronné, qui prend sa première claque sur grand écran à 11 ans devant Pulp fiction lors d’une projection du Festival de Cannes, est un pro de l’audiovisuel. Au lycée Carnot, à 5 minutes de la Croisette, il enseigne les rudiments techniques des régies d’émissions en direct à des élèves de BTS; en intermittent, il s’illustre comme monteur pour la télévision, traîne ses guêtres aux Oscars ou au Festival du cinéma indépendant américain Sundance. « Une déformation cannoise », rigole-t-il.

En parallèle, il est l’un des 20 administrateurs nationaux de la Protection civile, coordonne les 250 volontaires engagés gracieusement dans les Alpes-Maritimes et a aussi la responsabilité de la Zone de défense Sud, qui court jusqu’aux Hautes Pyrénées, en passant par le Gers, le Lot jusqu’aux Hautes-Alpes.

Crash de la Germanwings, attentat de Nice, inondations dans l’Aude, tempête Alex… Il y était, toujours pour aider, secourir, accompagner. « Le bénévolat c’est un engagement collectif. C’est puissant de se sentir utile », dit, avec humilité, celui qui préfère définitivement le « on » au « je ».

Le déclic

En 1999, Jérémy a 16 ans, aime aller jouer avec ses potes au Laser quest, traîner à La Bocca, à la plage… « La vie de petit Cannois heureux, quoi! » Dans son lycée, il se passionne pour l’électrotechnique et s’engage aussi pour sa classe. « J’étais dans un établissement propice au partage avec les autres, entre les camarades, les enseignants, les CPE. Quand on passait ce portail, on avait envie d’être plus qu’élèves. »

Comme au collège d’ailleurs, il se fait, cette année-là encore, élire délégué. Et prend sa mission très à cœur. « Dans notre filière, on avait des apprentissages techniques, je me suis tout de suite dit, qu’en tant que délégué, il fallait que je puisse savoir quoi faire en cas d’accident en cours. J’ai cherché des associations pour suivre une formation de Premiers secours. La Protection civile en donnait une à Mandelieu », se souvient-il.

« Sur le terrain, j’ai découvert des gens investis, et ce qui m’a frappé, c’est qu’ils étaient bénévoles. A 16 ans, on a un peu du mal à imaginer »

Pour Jérémy Crunchant, il y aura un avant et un après. « Pendant la formation, on m’a dit: la Protection civile tient des postes de secours, on est là pour faire du secourisme en attendant que les pompiers arrivent ou pour les seconder quand ils ont à s’occuper de tâches plus urgentes sur des événements. Si tu veux, tu peux venir voir. »

Voilà l’ado embarqué dans les pas de volontaires de la « Protec » lors d’une soirée bord de mer piéton à Cagnes-sur-Mer. « Sur le terrain, j’ai découvert des gens investis, et ce qui m’a frappé, c’est qu’ils étaient bénévoles. A 16 ans, on a un peu du mal à imaginer… Ce soir-là, j’ai désinfecté des égratignures, ça m’a plu. Je ne me sentais pas perdu. Et puis j’étais un peu fasciné par la tenue, les talkie-walkie… » Week-ends, mercredis, vacances: très vite, l’ado troque les virées entre potes pour rejoindre ces volontaires azuréens. Sans avoir le sentiment de se sacrifier. « Le bénévolat, c’est devenu peu à peu ma normalité. »

L’action

Pour définir ses missions, Jérémy Crunchant préfère « le factuel » au grand discours. « L’article 2 de la Protection civile dit: aider la population en temps de paix comme en temps de crise », pose-t-il, studieusement. Concrètement, sur le terrain, la « bobologie » (« j’ai appris le mot ici », dit-il) côtoie des situations d’extrême urgence.

L’une de ses premières sera d’intervenir dans les quartiers « fracassés » jouxtant l’usine AZF de Toulouse, juste après l’explosion du 21 septembre 2001.

Jérémy a alors 18 ans. « Nous sommes partis deux jours, pour soutenir la population: c’est discuter, porter un truc, accompagner, des choses basiques qui sont en fait beaucoup. »

Alors novice, Jérémy Crunchant s’est depuis formé très régulièrement, comme l’équipe azuréenne (100% constituée de bénévoles). Au gré de ces modules, ces volontaires peuvent peu à peu acquérir « le même niveau de secouriste que les pompiers, les mêmes gestes ». Parmi les nombreuses sessions qu’a suivies Jérémy et ses équipes: l’aide et l’écoute psychologique.

« Apporter un premier secours, c’est aussi une première oreille et les mots ont leur importance. Cela passe, par exemple, par ne jamais des phrases toutes faites comme ‘ça va bien se passer’ quand on ne connaît pas la finalité des situations. Être réconfortant, bienveillant, se baser sur les faits, structurer son écoute », égrène-t-il.

« En intervention, on se doit d’être fort psychologiquement pour les gens qu’on aide »

Toujours en équipe, le Cannois a mis ces compétences au service des gens lors d’événements qu’il n’oubliera jamais. Comme ce 24 mars 2015 où, en cours face à ses élèves, on l’informe par un coup de fil du crash d’un A320 de la Germanwings contre une parois rocheuse des Alpes-de-Haute-Provence.

« On est tout de suite partis avec une équipe renforcer la Protection civile du 04. Notre mission était d’accompagner les familles qui arriveraient en bus dans les 48h. Sur place, le légiste nous explique qu’il n’y aura pas de corps. Quand les proches des victimes ont atterri à Marignane, le New York times a sorti l’info du suicide du pilote. Avec l’aide des médecins, on a dû se repositionner pour accueillir les gens. Et puis ça s’est passé », raconte-t-il, sans jamais se laisser submerger. « En intervention, on se doit d’être fort psychologiquement pour les gens qu’on aide. »

« À chaque fois qu’il y a un truc grave, des gens choisissent d’être là pour les autres, c’est assez extraordinaire, c’est magnifique. »

De cette mission, Jérémy a gardé comme une blessure, collective. « J’étais responsable de l’équipe lors de cette intervention. Le problème, c’est qu’on a dormi dans la chapelle ardente et toute la nuit on a entendu les gens pleurer. On a tous fait éponge et quand on a enlevé la tenue, j’ai retrouvé l’équipe en miettes. J’ai culpabilisé même si nous avons été suivi par la cellule psychologique de l’association », glisse-t-il.

A Nice aussi, ce 14 juillet 2016 meurtrier, Jérémy Crunchant était là. A accompagner les familles dans la reconnaissance des corps, les démarches, des détails sur lesquelles il ne s’appesantit pas. De cet événement bouleversant, il n’évoque pas l’écho personnel.

Il y renforce son engagement: « la Protection civile a porté assistance aux familles pendant 17 jours non stop. Et alors qu’on est tous bénévoles avec des boulots (de l’ascensoriste à l’inspectrice des impôts), des impératifs, alors que la mission était super dure… j’avais tous les jours 20 volontaires. A chaque fois qu’il y a un truc grave, des gens choisissent d’être là pour les autres, c’est assez extraordinaire… C’est magnifique. »

Il montre, fièrement, l’écusson scratché sur la manche gauche de son uniforme. « Ce liseré et ce point dorés représentent la récompense reçue après ce 14-Juillet: la médaille d’or pour acte de courage et de dévouement à titre collectif. Et c’est une fierté car c’est collectif », glisse-t-il.

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Jérémy Crunchant est bénévole au sein de la Protection civile depuis ses 16 ans. Photo Frantz Bouton.

Et demain?

La suite? Jérémy Crunchant ne l’imagine pas sans la Protection civile et le bénévolat. « Au début, c’était dur de comprendre autant d’investissement dans la gratuité. Dans l’inconscient collectif, les gens ne comprennent pas qu’on donne tant de temps gratuitement. Mais, on en retire beaucoup plus que ce qu’on donne », dit celui qui est fier d’avoir convaincu une cousine de 27 ans de s’engager. 

Créer l’étincelle qui donne l’envie de donner du temps pour les autres, comme lui l’a eu à 16 ans, c’est justement l’une des missions qu’il s’est donné en tant que Directeur général des Alpes-Maritimes. Comment? « En étant proactif, en allant à la rencontre des gens. » Cet été, un « Protec tour » est organisé. Le 21 juillet, sur la Place nationale à Antibes, le 7 août sur la plage des Marinière à Villefranche-sur-Mer…

« On va essayer de générer ce déclic. Peut-être qu’un gamin passera, fera un quiz, discutera avec des bénévoles et s’engagera avec nous! », lance, enthousiaste, celui qui espère passer de 250 à 300 bénévoles d’ici les JO de Paris 2024. Depuis quelques temps, un accord passé avec l’IUT azuréen permet d’ailleurs aux étudiants qui s’engagent à la “Protec” de majorer un peu leur moyenne.

« L’idée à court terme, c’est d’aller aider les Ukrainiens à créer une Protection civile chez eux »

A l’échelle nationale, le Cannois travaille aussi d’arrache-pied avec les administrateurs de l’association pour défendre un projet de loi rédigé par l’association pour une meilleure reconnaissance du bénévolat de sécurité civile en général. « Pour les gens qui donnent de leur temps à Protection civile mais aussi à la Société nationale de sauvetage en mer, à la Croix Rouge… »

Points de retraite, montée en compétence, encouragement aux dons de particuliers en faisant passer la défiscalisation de 66% à 75 %… Autant de mesures essentielles avec lesquelles il espère convaincre le maximum de députés pour mettre le texte « le plus rapidement possible » au calendrier de l’Assemblée nationale.

Et ainsi amplifier l’action, en France et au-delà. « On a créé une cellule internationale qui a pour but de transmettre nos valeurs de citoyens acteurs de leur sécurité dans d’autres pays. L’idée à court terme, c’est d’aller aider les Ukrainiens à créer une Protection civile chez eux. J’espère en 2024 », dit-il.

En attendant, le Cannois Jérémy Crunchant continue sa vie en orange et bleu, toujours prêt à repasser l’uniforme pour partir en mission, même quand il s’évade en se plongeant dans les grands écrans des salles obscures de Cannes. « Je vais au cinéma Les Arcades. Parce que l’équipe est sympa… et que dans la salle 1, en haut à gauche, je capte un peu le téléphone! »

Pour se renseigner ou s’engager avec la Protection civile: www.protectioncivile06.org – 0805 625 800 (gratuit 24/24)

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